Et si on s’inspirait du Vivant pour la gouvernance de nos organisations ?
Marine Simon
* Photo Pixabay
Changer "de" monde
Changer « le » monde peut nous paraître inatteignable. Mais changer « de » monde est à notre portée à toutes et tous !
Dans cette rubrique, je vous propose des changements de regard et des pratiques concrètes simples et pourtant hautement transformatrices de notre culture et proposant de retisser nos liens avec nous-mêmes, les autres humain.e.s et les autres qu’humains.
Et si on s’inspirait du Vivant pour la gouvernance de nos organisations ?
Parmi les sujets qui me passionnent et me tracassent, il y a celui de la gouvernance de nos collectifs : entreprises, associations, collectifs de protection de la Nature, de défense de causes qui ont bien besoin d’être défendues …
Si l’on en croit les chiffres, près de 85% des collectifs qui se créent aujourd’hui, portant de très beaux projets nécessaires à notre bascule culturelle, s’effondrent dans les 2 à 5 ans par manque de soin apporté à leur gouvernance. Et cela me soucie vraiment car, dans le même mouvement, ce sont autant de germes d’une autre manière d’habiter la Terre qui disparaissent.
La question de la gouvernance de nos collectifs semble encore faire partie de nos angles morts. Un non-sujet qu’il n’est pas nécessaire d’adresser ou que l’on ne sait pas comment adresser.
Alors, nous continuons à rêver de fonctionnements participatifs et à nous laisser tenter par le bon vieux modèle hiérarchique. Que cette hiérarchie soit de pouvoirs ou d’égos, la première étant plus facile à discerner que la seconde … Et à penser qu’un collectif c’est toujours difficile, qu’il faut toujours « faire avec » les caractères de chacun.e et tenter de pousser ses idées ou d’adopter celles des autres bon gré mal gré … Et, surtout, qu’on ne va quand même pas aborder la question qui gêne des conditions d’entrée et de sortie ! Là, on démarre, on s’entend bien et ce sera toujours comme ça !
J’en connais pourtant beaucoup qui se sont retrouvés devant les tribunaux parce que les règles de départ étaient trop floues, parce qu’ils étaient persuadés d’être sur la même longueur d’onde, alors qu’en fait, pas du tout … Face à des dettes mirobolantes parce qu’il n’y avait pas eu d’anticipation des départs possibles des investisseurs ou des fondateurs dont la mise de départ financière avait été plus importante que celle des suivants, dans l’œil du cyclone de guerres coopératives blessantes pour longtemps …
Même parmi les personnes formées aux pratiques d’intelligence collective et qui ont, probablement, à faciliter des collectifs en souffrance sur ce sujet, je suis étonnée du peu d’intérêt à aborder le sujet comme un sujet en soi.
Nombre de collectifs que je rencontre me semblent ne pas « voir » qu’il y a là, outre le sujet auquel ils se dédient (épicerie coopérative, défense d’un quartier, création d’un écolieu, …) un second projet auquel se consacrer : définir et cultiver la gouvernance des humain.e.s qui le composent. Lorsqu’ils m’interpellent sur ce sujet, je rencontre souvent une résistance et une paresse à remettre les fondements de leur collectif en question, et pourtant …
Si l’on se penche sur la manière dont le Vivant, qui est quand même la plus grande organisation existante, ayant démarré avec quelques monocéllulaires aquatiques pour devenir la symphonie qu’elle est aujourd’hui et ayant traversé plusieurs extinctions, on y trouve des enseignements majeurs !
Le premier est que cet immense collectif fonctionne et s’auto-régule sans centralisation et sans chef ! Tout s’auto-organise pour que les conditions de la vie soient toujours entretenues sans que personne ne décide de rien. Imaginez, comme le proposait Janine Beynius, fondatrice du biomimétisme, que vous ayez à organiser le printemps ! Ce réveil de la vie bien plus impressionnant que celui de Cendrillon où tous les phénomènes et toutes les espèces se mettent à entrer dans une danse dont tous.tes, y compris nous, allons bénéficier des mois durant. Et tout ça, sans CA, sans Comité de direction, sans COP 15, 22, 250 …
Comme si chaque être vivant possédait en lui un bout du briefing général et l’exécutait en faisant de son mieux au service de l’ensemble …
Lorsque nous avons observé cela Gauthier Chapelle, biologiste et biomiméticien et moi, nous en avons conclu que c’était comme si le Vivant (tous les êtres vivants et tous les phénomènes biologiques, gazeux, électriques, … existant dans la biosphère) était mû par une Raison d’Être que nous avons tenté de formuler comme ceci : Rester vivant, ensemble, et se reproduire.
Et il nous a semblé que c’est cette organisation du « ensemble » qui différencie ce que j’appelle « la culture du Vivant » de la nôtre où nous avons plutôt développé les capacités du « chacun pour soi ».
Donc, conclusion n°1 : dans la mise en œuvre de nos collectifs, si nous souhaitons que chacun.e soit à la fois autonome et responsable du projet global, il est indispensable de réaliser, avec le plus grand nombre possible de membres du collectif, l’élaboration de la Raison d’Être.
C’est là, pour moi, le premier pilier indispensable d’une gouvernance résiliente.
A méditer
En guise de proposition de réflexion, à ce stade, je vous partage une histoire que je trouve particulièrement parlante sur le sujet :
Quelqu’un circule sur un chantier et s’approche d’un premier artisan. Il lui demande :
- « que fais-tu ? ».
- « Je construis un mur », lui répond-il
Il continue sa visite, s’adresse à un second maçon et lui pose la même question.
- « je construis le mur du fond d’une abside » répond celui-ci
Il s’éloigne et s’adresse à un troisième qui lui dit :
- « je construis une cathédrale »
Je vous laisse méditer sur les effets de ces différents niveaux de conscience des 3 artisans interrogés tant au niveau de leur motivation que de leur autonomie et de leur responsabilité …
A bientôt pour la suite !
Vous avez aimé ce contenu ? N’hésitez pas à le partager autour de vous !