Quel lien entre la transition écologique et les pratiques d’intelligence collective ?
Marine Simon
* photo Marine Simon
Éric Tariant , journaliste indépendant pour les magazines We Demain, Natives, So Good, Le Temps, … m’a posé la question suivante : pourquoi est-il essentiel de mettre l’accent sur l’intelligence collective pour réaliser la transition écologique, le « changement de cap » – pour adopter les termes de Joanna Macy – que nos sociétés vont devoir opérer pour maintenir la stabilité et la résilience du système terrestre, alors que six des neuf limites planétaires sont déjà dépassées ?
J’ai trouvé cette question d’une pertinence systémique remarquable ! J’avais donc envie de la partager avec vous.
Et de vous partager également ma réponse :
Depuis des siècles et, en Europe, particulièrement depuis Les Lumières, nous nous sommes bâtis une culture basée sur le postulat des sciences : « Comprendre le tout par l’observation des parties ». Une manière de chercher à comprendre le Vivant en séparant ses composants les uns des autres.
Connaître, de cette manière, ce qui nous vaut d’être vivants est un choix. Nous aurions pu en faire un autre. Les peuples autochtones, par exemple, se sont davantage intéressés aux relations entre les différents éléments qui composent le Vivant, comment ces interrelations en font un tout relié et en mouvement constant. Cette approche mobilise tous leurs sens en plus de leur raisonnement.
Chez nous, les relations entre les parties sont devenues un non sujet, voire un sujet suspect parce que nécessitant que nous élargissions nos modes de perception pour les saisir, que nous fassions usage d’aptitudes que nous qualifions d’irrationnelles.
Nous avons envisagé le Vivant comme une grande mécanique.
Les symptômes de cette culture de la séparation, du cloisonnement, imprègnent tous les domaines de nos vies : programmes éducatifs et universitaires qui ne croisent jamais (ou si peu) les différentes matières, dans lesquelles l’art de la relation n’est jamais abordée . . . . Les ministères qui gèrent séparément, avec des agendas souvent contradictoires, ce qui relève du « vivre en commun sur cette planète » : l’agriculture, l’économie, l’écologie, la santé, … Et bien d’autres.
Nous sommes bien démunis culturellement pour aborder avec clairvoyance et efficacité les diverses crises systémiques, c’est-à-dire, complexes, « tissées ensemble », auxquelles nous avons à faire face, engendrées elles-mêmes par notre culture cloisonnée…
C’est le grand défi que nous avons à relever : transformer cette culture inadaptée à la vie terrestre pour nous réinscrire dans la « culture » du Vivant, relationnelle, cyclique, circulaire, associative.
C’est précisément ce que permettent les pratiques d’intelligence collective.
Contrairement à notre frénésie de solutionnisme technologique, elles ouvrent le champ d’une innovation relationnelle concrète. Elles proposent de nous remettre en relation les un.es avec les autres, dans des conditions de sécurité et d’équité qui favorisent la coopération, ce mode de fonctionnement si cher au Vivant !
Par le biais du cercle de parole, de l’inclusion, de processus clairs et solides qui apportent, en plus de la sécurité, de la liberté et de la responsabilité, elles permettent de sortir de nos silos et de travailler ensemble pour emmener les changements systèmiques nécessaires !
Pour moi, pratiquer les processus d’intelligence collective, c’est accepter l’héritage « culturel » de notre maison commune et l’appliquer à nos modes de pensée que d’action.
Du micro de nos collectifs au macro de notre manière d’habiter la Terre, tout, là aussi, est lié !
Pour en savoir plus sur ces pratiques, si vous ne les connaissez pas encore, je vous invite à écouter l’épisode 14 du podcast Tout tourne rond sur cette Terre qui leur est consacré .
Et si ce sujet vous intéresse, je vous recommande la lecture de mon dernier ouvrage, collectif, circulaire, associatif … Tout tourne rond sur cette Terre, nous sommes les seuls à l’ignorer – Inspirés du Vivant, des Peuples Racines et de la Permaculture, changeons de culture, éd. Yves Michel, 2021
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